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Histoire du Carnaval de Venise - Masques et Plaisirs
Le Carnaval de Venise ! Formule magique, Sésame d'un monde merveilleux de beauté, de joie et de plaisir
« Dans les autres états d'Europe, la folie du carnaval ne dure que quelques jours : ici on a le privilège d'extravaguer six mois de l'année »
Ange Goudar (1708-1791) - L'espion Chinois
Au XVIIIe siècle, le carnaval de Venise commençait dès le premier dimanche d'octobre jusqu'à Noël, puis il reprenait depuis l'épiphanie jusqu'à mardi gras minuit, où la cloche annonçait la fin des festivités.
Il recommençait à l'ascension, pour deux semaines.
Et il ressuscitait à chaque élection d'un nouveau doge, à la Saint-Marc ou à n'importe quelle occasion !
La période du carnaval ouvrait la saison des opéras et des comédies, et tout Venise attendait les nouveautés avec impatience.
Par exemple, en 1749 Goldoni s'engageait à livrer 16 nouvelles comédies pour le carnaval. Et les amateurs de la Commedia dell'arte trouvaient satisfaction avec Gozzi.
Albinoni et Vivaldi se chargeaient des opéras, et les meilleurs interprètes ravissaient un public très friand de belles voix.
Certaines coûtaient très cher : le célèbre Farinelli demandait des cachets astronomiques. Qu'importe !
à Venise, la musique est une passion, parce que Venise est le pays de la musique.
Le jeune Mozart était présent au carnaval de 1771.
Les belles dames aimaient particulièrement se rendre à l'opéra, où leurs toilettes resplendissaient sous les lumières des grands lustres qui faisaient scintiller leurs bijoux.
Car c'était aussi la fête de la mode et de l'élégance.
Aux farces et aux festivités s'ajoutaient les plaisirs et les dangers du libertinage et de la passion du jeu !
Quand le divertissement de la place se termine, celui du réduit (ridotto) peut commencer.
Le Ridotto, ancêtre du casino, était ouvert chaque soir et il était accessible à tous et à toutes, à la seule condition de porter le masque.
Sous la direction de nobles non masqués, on y jouait à toutes sortes de jeux : la bassette, le piquet, et surtout le pharaon.
Sur les tables de jeu des sommes énormes changeaient de mains dans un silence parfait malgré l'affluence, et les masques couvraient le désespoir des malheureux perdants.
Le carnaval était la période bénie des aventuriers et des “accros” du jeu comme Casanova et Da Ponte, et le ridotto était un lieu privilégié pour les rencontres.
Des femmes de toutes les couches de la société s'y trouvaient sous le masque, avec lesquelles on pouvait converser, jouer, flirter… et les entremetteurs de tout poil étaient prompts à rendre service, particulièrement aux riches étrangers !
Mais attention au masque voisin, sous lequel pouvait se cacher l'espion, ou le mari jaloux dont les sbires pouvaient suivre l'audacieux à la sortie.
Aux blagues et farces de tout acabit qui aidaient à exorciser les tracas et les petites humiliations de la vie courante, s'ajoutaient les intrigues amoureuses et les rencontres discrètes qui se concrétisaient en rendez-vous secrets.
Car le respect qui était dû au masque ouvrait toutes les portes, y compris celles des palais et des couvents, tout en garantissant l'incognito.
Dans l'Histoire de ma vie, Casanova raconte comment un jeune patricien a éloigné un mari encombrant avec la complicité de ses compagnons (Casanova en faisait partie) qu'il fit passer pour des envoyés des Dix venus l'arrêter.
Ils l'emmènent et l'abandonnent sur l'île San Giorgio, et s'en vont retrouver à l'auberge ceux qui étaient restés avec la belle ! Et tout le monde passa une soirée fort divertissante…
Voici comment il raconte sa visite d'un couvent de Murano sous le costume de pierrot qui lui permit ainsi de rencontrer la célèbre M. M., qui fut la maîtresse de l'ambassadeur de France et... de Casanova :
« J'ai décidé de me masquer en Pierrot.
Il n'y a pas de masque plus propre à déguiser quelqu'un s'il n'est ni bossu ni boiteux.
L'habit large de Pierrot, ses longues manches très larges, ses larges culottes qui lui arrivent aux talons cachent tout ce qu'il pourrait avoir de distinctif dans toute sa taille pour que quelqu'un qui le connaîtrait particulièrement pût le reconnaître. […]
Je descends au parloir qui était plein; mais tout le monde fait place à ce masque extraordinaire, dont personne à Venise ne connaît les êtres.
Je m'avance marchant en nigaud, comme le caractère du masque exige, et je vais dans le cercle où l'on dansait. Je vois des Polichinelles, des Scaramouches, des Pantalons, des Arlequins.
Je vois aux grilles toutes les religieuses, et toutes les pensionnaires, les unes assises, les autres debout, et sans arrêter mes yeux sur aucune, je vois cependant M. M. et de l'autre côté la tendre C. C. debout qui jouissait du spectacle.
Je fais le tour du cercle marchant comme si j'avais été ivre, regardant de la tête jusqu'aux pieds chacun; mais étant beaucoup plus regardé et examiné.
Tout le monde m'étudiait. Je m'arrête sur une jolie Arlequine, lui prenant grossièrement la main pour la faire danser un menuet avec moi.
Chacun rit et nous fait grande place.
L'Arlequine danse à merveille selon le caractère de son masque, et moi selon le mien; j'ai fait à la compagnie le plus grand plaisir à cause de l'apparence continuelle que j'avais de tomber, me tenant cependant toujours en balance.
Après la peur générale les risées s'ensuivaient. »
Le Grand Charivari
Ainsi tous les masques possibles et imaginables circulaient à travers les Calli ou dansaient sur les campi, entraînés par la musique endiablée des orchestres composés de flûtes, de harpes, de violes, de luths, et bien sûr par “l'instrument du diable”, celui qui fait danser, le violon !Et tout le monde marchait, et tout ce flux de couleurs se déversait sur la Piazza couverte de tréteaux où l'on exposait des merveilles, où l'on vendait toutes sortes de choses dans une ambiance de fête foraine.
Plus de jour, plus de nuit. On dormait, mangeait et buvait quand on voulait :
« À minuit comme en plein midi, on trouve tous les comestibles étalés, tous les cabarets ouverts, des soupers tout prêts dans les auberges et les hôtels garnis. »
Goldoni - Mémoires, I
Le temps était aussi bousculé que le reste.
Plus de rythme établi, place à la fantaisie, à l'improvisation et à la surprise des rencontres !
Liberté et anonymat garantis par le masque, plaisir artistique doublé de fantaisie et de libertinage, une catharsis qui durait plusieurs semaines et un cosmopolitisme incroyable, voilà ce qui rendait le carnaval vénitien absolument unique.
Sous l'anonymat le plus complet, la fantaisie, les privautés, et les billevesées étaient licites.
Tout le monde trouvait son compte dans cette catharsis généralisée, y compris les homosexuels qui n'étaient pas appréciés à Venise : Les jeunes femmes pouvaient se déguiser en beaux pages ; les hommes travestis en femmes jouaient les “gniaghe” qui abordaient les passants en usant de propos évocateurs et ambigus, ou bien prenaient plaisir à leur déverser toutes sortes d'obscénités.
En 1720 Maximilien Misson écrit :
« Pendant le carnaval on pousse à bout le libertinage ordinaire, on raffine sur tous les plaisirs, on s'y plonge jusqu'à la gorge.
Toute la ville est déguisée : le vice et la vertu se masquent aussi mieux que jamais. »
Et il précise que la place Saint-Marc se couvre de mille sortes de bateleurs, de masques et de musiciens et que les courtisanes et les étrangers accourent par milliers de tous les coins de l'Europe.
Et le témoignage de Charles De Brosses, futur président de tribunal, nous montre qu'il n'était pas nécessaire de monter des intrigues compliquées pour arriver à certaines fins :
« Pour épuiser l'article du sexe féminin, il convient ici plus qu'ailleurs de vous dire un mot des courtisanes.
Elles composent un corps vraiment respectable, par les bons procédés.
Il ne faut pas croire encore, comme on le dit, que le nombre en soit si grand que l'on marche dessus ; cela n'a lieu que dans le temps de carnaval, où l'on trouve sous les arcades des Procuraties autant de femmes couchées que debout. »
Charles De Brosses - Lettres familières écrites d'Italie, 1739-1740
Le carnaval avait pris une telle importance, que même un deuil public ne pouvait plus l'arrêter.
En 1789, on avait tenu secrète la mort du doge Paolo Renier !
Le Vol De L'Ange
La cérémonie d'ouverture des festivités du Carnaval était marquée par le “svolo dell'Angelo”, le vol de l'Ange, où un acrobate audacieux descendait sur une corde tendue entre la plate forme du Campanile et la Loggia du Palais Ducal, où le Doge assistait à la scèneLe Vol de l'Ange inaugure toujours le Carnaval et l'Ange se jette dans le vide aux douze coups de midi.
Mardi Gras, dernier jour de carnaval
Toutes ces bacchanales atteignaient leur paroxysme à l'approche du fatidique mercredi des cendres qui marquait le début du carême.Le jour du mardi gras, on tirait le feu d'artifice en plein jour, et le soir on brûlait l'effigie de carnaval : un bûcher était dressé sur la piazzetta près des colonnes, et on y jetait Carnaval qui se débattait en criant des injures.
Et tout s'achevait avec la Cavalchina, le dernier bal masqué avant le carême et le retour au calme.
À minuit les cloches du Campanile de San Francesco de la Vigna sonnaient pour annoncer la fin des festivités.
Zorzi Baffo, écrivait dans ses Oeuvres érotiques :
« On va voir la Piazza couverte de négociants en faillite, l'hôpital rempli de gens couverts d'emplâtres, ou ayant le vit rongé par des ulcères, et le front de presque tous les maris orné de cornes. »
Et à propos du premier jour du Carême il ajoutait :
« Oh ! Quel étrange changement du soir au matin ! Il semblerait qu'une trombe a tout bouleversé. Toutes les fêtes sont finies, l'allégresse a disparu, comme si la peste avait tout détruit.
Plus de musique, plus de chants ; les théâtres sont fermés ; danseuses et musiciennes sont changées en marmottes.
On pourrait croire à la venue d'un magicien, qui a retourné la ville sens dessus dessous. »
Au XIXe siècle, suite à l'occupation française puis autrichienne, suivies toutes deux d'une grave crise économique locale, le carnaval vénitien et ses fastes ont peu à peu disparu.
En 1979 on assiste à la renaissance du Carnaval de Venise à l'initiative de Vénitiens et d'associations vénitiennes. La Biennale (avec Maurizio Scaparro alors directeur du Théâtre de la Biennale) et le Théâtre de la Fenice participent à cette renaissance.
Une grande partie de la population vénitienne, surtout parmi les jeunes, a tout de suite suivi.
Cet élan populaire s'est par contre rapidement éteint avec l'institutionnalisation et l'internationalisation du carnaval, lorsque les costumes et masques plus élaborés sont venus remplacer les farandoles improvisées.
Le Masque et la Liberté !
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