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Mariano Fortuny y Madrazo (1871-1949)
Mariano Fortuny et l'esprit de la Renaissance
Point de nostalgie stérile dans l'invocation des arts et de la beauté du temps passé, mais la reprise de celle-ci par la création d'une œuvre nouvelle qui nous la rappelle comme une réminiscence, ou qui la révèle dans notre présent qu'elle illumine.
La beauté retrouvée, ou la révélation de l'intemporel, nous apparaissant alors comme une renaissance.
Les étoffes et les robes de Mariano c'est à la fois la reprise et le retour parcellaire de l'éphémère disparu.
La mode médiévale fut ainsi à l'origine d'une robe, appelée “Eleanora” en l'honneur de la Duse, constituée de deux pans de velours imprimé tombant droit devant et derrière et reliés sur les côtés par du satin plissé.
Les tableaux de Vittore Carpaccio furent les principales sources d'inspiration pour les capes avec leurs capuchons triangulaires, surtout pour les motifs et les couleurs.
Tout particulièrement “l'arrivée des ambassadeurs”, où l'on aperçoit au premier plan à gauche du tableau deux jeunes hommes portant de splendides vestes, dont Mariano s'est largement inspiré pour fabriquer des étoffes pour ses manteaux.
Le velours espagnol fut aussi à l'honneur puisque Mariano en possédait quelques exemplaires anciens ; il s'était également inspiré de la très belle robe d'Éléonore de Tolède, peinte au XVIe siècle par Il Bronzino (Angelo di Cosimo di Mariano).
Et, pour ressusciter le passé glorieux de Venise, Mariano Fortuny reprenait aussi les palettes des autres grands maîtres comme Tintoret, mais surtout de Paul Véronèse et Titien dont les portraits de grands personnages lui offraient de précieux renseignements sur la mode de l'époque, et autant de modèles de costumes pour le théâtre.
Il avait peint une copie partielle du “Banquet de Cléopâtre” de Giambattista Tiepolo, où la belle est vêtue d'une somptueuse robe qui devint aussi une source précieuse pour reproduire la beauté des riches étoffes en velours de soie italiennes.
C'était l'esprit de la renaissance qui ressuscitait grâce à ce peintre, surnommé le petit Léonard, qui à l'instar des génies de cette époque, était un esprit universel pour qui il n'y avait pas d'arts mineurs.
Comme eux, Mariano Fortuny était passionné par les arts de l'antiquité grecque, par les sciences et les techniques, particulièrement le travail des pigments pour obtenir l'éclat des couleurs pour ses étoffes.
Comme autrefois, il faisait venir ses tissus de soie des Indes, de la Chine, et du Japon.
Les pigments dont il se servait venaient du monde entier : la cochenille du Mexique pour le rouge carmin, l'indigo de l'Inde, la paille de France pour le jaune… et le fameux blanc d'œufs pourris de Chine qui servait de fixateur pour l'or et l'argent, que l'on polissait ensuite à l'ambre.
Il utilisait essentiellement des couleurs naturelles et délicates : rouge, vert, bleu, ocre, brun, rose, orange, qu'il juxtaposait harmonieusement.
Pour reproduire les anciennes trames tressées de fils d'or ou d'argent, il ajoutait de la poudre de cuivre pour l'effet doré, ou d'aluminium pour l'effet argenté.
C'était Henriette qui préparait elle-même les teintures, ou les mixtures, puisqu'elles résultaient de savants mélanges dont elle seule et Mariano connaissaient les secrets.
Et Venise retrouvait toute l'alchimie de ses couleurs d'autrefois.
« Totalement indifférent à son siècle, à ses nouveautés et à sa modernité esthétique, Mariano Fortuny s'enferme dans le rêve d'une résurrection des anciens fastes de Venise, d'une Renaissance enfin retrouvée par le biais des étoffes les plus splendides et les plus riches.
Il est vrai qu'à Venise la couleur est inséparable des tissus, que le chromatisme est fondamentalement textile.
La technique du velours, d'origine chinoise, fut sans doute introduite en Italie par l'intermédiaire de tisserands perses exilés dans la Sérénissime qui fut très tôt un important centre de tissage de la soie.
Ses artisans produisaient des velours piquetés d'or rappelant les fastes des mosaïques de Saint-Marc, en jouant sur le contraste de l'or avec une couleur sourde, dans les rouges ou les verts.
L'une des créations vénitiennes les plus originales était le velours coupé.
Cette technique consistait à raser la soie au sommet des fines boucles du tissu.
En coupant les poils à deux, parfois à trois hauteurs différentes (selon le procédé de l'altobasso), il devenait possible de créer des motifs au magnifique relief.
Le mat et le brillant des armures opposées engendraient des reflets changeants dans les tons rouges, violets et bleu turquoise de la soie.
Mais le velours le plus apprécié était encore le velours “ferronnerie” ou “antique”.
Il s'agissait d'un velours coupé unicolore (vert émeraude ou rouge rubis), dans l'épaisseur duquel les lignes du dessin étaient creusées, ciselées, imitant la forme ajourée des meneaux en fer forgé ou en pierre des fenêtres des églises gothiques.
Le contraste entre le ton clair du satin et le ton foncé du velours coupé, par le jeu des profondeurs obtenues, constituait un effet de relief jamais atteint. »
Jacques Anquetil, cité par Alain Busine dans son “Dictionnaire amoureux et savant des couleurs de Venise” aux Éditions Zulma
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Liens sur les lieux et personnages cités dans cette page :
Eleonora Duse - WikipédiaVittore Carpaccio - Wikipédia
Éléonore de Tolède - Wikipédia
Il Bronzino (Angelo di Cosimo di Mariano) - Wikipédia
Jacopo Robusti Le Tintoret - Wikipédia
Le Titien - Wikipédia
Paul Véronèse - Wikipédia
Giambattista Tiepolo - Wikipédia
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