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Mariano Fortuny y Madrazo (1871-1949)
Les cultures du monde entier, sources inépuisables des créations originales de Mariano Fortuny
Voyant très vite la richesse des possibilités offertes par l'impression, Mariano Fortuny délaissa la mode grecque pour laisser libre cours à son imagination en diversifiant sa production au maximum.
Et par ses activités théâtrales, il s'était montré excellent décorateur doublé d'un grand styliste en travaillant sur trois types d'étoffes : la soie et le velours de soie pour les vêtements, le coton pour la décoration d'intérieur.
Pour la décoration d'intérieur, il s'inspira de motifs occidentaux de la période de la renaissance et du baroque, et parfois de motifs de tapis persans et arabes.
Les ciselures des armes, des casques et des boucliers de style ottoman offraient autant de styles possibles à Mariano Fortuny, qui avait retrouvé les techniques et les tours de main des anciens, recensé les motifs les plus beaux existant dans le monde.
Cet artiste était particulièrement doué pour capter l'essentiel des différentes cultures, pour les recombiner et les transposer dans ses œuvres.
C'est ainsi qu'il prit pour modèles des chapeaux asiatiques à larges bords et des boucliers sarrasins, en les renversant pour en faire des lampes suspendues.
Quand les motifs et leur configuration demeuraient assez conventionnels, c'était parce que Mariano essayait avant tout de créer des effets chromatiques.
Ses talents de peintre ne furent sans doute pas étrangers à sa réussite en usant de la seule impression pour créer des effets d'épaisseur et de clair-obscur propres au tissu ouvré.
Des châles, des robes, des burnous et des djellabas
Et Mariano Fortuny suivit la même démarche en ce qui concerne les vêtements.Entre 1910 et les années vingt il garda les mêmes modèles de robes floues et souples, à la taille haute, qui s'étaient répandues dans toute l'Europe, et qu'il se limita à décorer ou à enrichir avec d'autres éléments.
Les motifs archaïques, chinois, coptes et nord africains, ainsi que l'assimilation du dessin liberty, ont caractérisé cette période axée sur la création de modèles du soir ou de cérémonies, par exemple des vêtements liturgiques, inspirés du XVIe vénitien.
Citées dans l'œuvre de Marcel Proust, ces robes étaient plus que des robes, disons qu'elles transformaient celles qui les portaient en personnages.
Et les belles mondaines purent à leur tour s'offrir ce luxe et ce rêve.
« Ces toilettes n'étaient pas un décor quelconque, remplaçable à volonté, mais une réalité donnée et poétique comme est celle du temps qu'il fait, comme est la lumière spéciale à une certaine heure.
De toutes les robes ou robes de chambre que portait Mme de Guermantes, celles qui semblaient le plus répondre à une intention déterminée, être pourvues d'une signification spéciale, c'étaient ces robes que Fortuny a faites d'après d'antiques dessins de Venise.
Est-ce leur caractère historique, est-ce plutôt le fait que chacune est unique qui lui donne un caractère si particulier que la pose de la femme qui les porte en vous attendant, en causant avec vous, prend une importance exceptionnelle, comme si ce costume avait été le fruit d'une longue délibération et comme si cette conversation se détachait de la vie courante comme une scène de roman.
Dans ceux de Balzac, on voit des héroïnes revêtir à dessein telle ou telle toilette, le jour où elles doivent recevoir tel visiteur.
Les toilettes d'aujourd'hui n'ont pas tant de caractère, exception faite pour les robes de Fortuny.
Aucun vague ne peut subsister dans la description du romancier, puisque cette robe existe réellement, que les moindres dessins en sont aussi naturellement fixés que ceux d'une œuvre d'art.
Avant de revêtir celle-ci ou celle-là, la femme a eu à faire un choix entre deux robes, non pas à peu près pareilles, mais profondément individuelles chacune, et qu'on pourrait nommer. Mais la robe ne m'empêchait pas de penser à la femme. »
Marcel Proust - À la Recherche du Temps Perdu
Rappelons que lors de son premier séjour à Venise avec sa mère en mai 1900, le jeune Marcel Proust avait été reçu par Cécilia Fortuny au palazzo Martinengo grâce à son ami Reynaldo Hahn.
Cécilia hébergeait Reynaldo Hahn et sa cousine Marie Nordlinger dans son palais, parce que Reynaldo était le frère de la seconde épouse de Raimundo y Madrazo, l'oncle de Mariano.
Comme elle l'avait fait pour Henri de Régnier, et comme elle le fit un peu plus tard pour Paul Morand, il est fort probable que suivant ce rite elle eût montré sa collection d'étoffes à Marcel Proust, et qu'il eût aussi le plaisir de les admirer en compagnie de ses amis et de Mariano Fortuny lui-même.
Reynaldo Hahn composa pour les Ballets Russes de Serge de Diaghilev la musique du “Dieu Bleu” de 1912, écrit par Jean Cocteau en collaboration avec Federico de Madrazo y Ochoa (fils de Raymundo).
Grand admirateur de John Ruskin, Marcel Proust et ses amis visitaient Venise avec son ouvrage “Les Pierres de Venise” à la main.
Plus tard, quand ce romancier évoquait les vêtements de Mariano Fortuny ressuscitant les splendeurs passées de Venise, c'était aussi en passionné d'art et d'architecture connaissant parfaitement son sujet qu'il écrivait :
« Pour les toilettes, ce qui lui plaisait surtout à ce moment, c'était tout ce que faisait Fortuny.
Ces robes de Fortuny, dont j'avais vu l'une sur Mme de Guermantes, c'était celles dont Elstir, quand il nous parlait des vêtements magnifiques des contemporaines de “Carpaccio” et du Titien, nous avait annoncé la prochaine apparition, renaissant de leurs cendres, somptueuses, car tout doit revenir, comme il est écrit aux voûtes de Saint-Marc, et comme le proclament, buvant aux urnes de marbre et de jaspe des chapiteaux byzantins, les oiseaux qui signifient à la fois la mort et la résurrection.
Dès que les femmes avaient commencé à en porter, Albertine s'était rappelé les promesses d'Elstir, elle en avait désiré, et nous devions aller en choisir une.
Or ces robes, si elles n'étaient pas de ces véritables robes anciennes, dans lesquelles les femmes aujourd'hui ont un peu trop l'air costumées et qu'il est plus joli de garder comme pièces de collection (j'en cherchais, d'ailleurs, aussi de telles pour Albertine), n'avaient pas non plus la froideur du pastiche, du faux ancien.
À la façon des décors de Sert, de Bakst et de Benoist, qui, à ce moment, évoquaient dans les ballets russes les époques d'art les plus aimées — à l'aide d'œuvres d'art imprégnées de leur esprit et pourtant originales — ces robes de Fortuny, fidèlement antiques mais puissamment originales, faisaient apparaître comme un décor, avec une plus grande force d'évocation même qu'un décor, puisque le décor restait à imaginer, la Venise tout encombrée d'Orient où elles auraient été portées, dont elles étaient, mieux qu'une relique dans la châsse de saint Marc évocatrice du soleil et des turbans environnants, la couleur fragmentée, mystérieuse et complémentaire.
Tout avait péri de ce temps, mais tout renaissait, évoqué pour les relier entre elles par la splendeur du paysage et le grouillement de la vie, par le surgissement parcellaire et survivant des étoffes des dogaresses. »
Marcel Proust - La Prisonnière
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Liens sur les lieux et personnages cités dans cette page :
Marcel Proust - WikipédiaSite dédié à Reynaldo Hahn
Reynaldo Hahn - Wikipédia
Raimundo de Madrazo y Garreta - Wikipédia
Henri de Régnier - Wikipédia
Serge de Diaghilev - Wikipédia
Paul Morand - Wikipédia
Jean Cocteau - Wikipédia
John Ruskin - Wikipédia
Le Titien - Wikipédia
Vittore Carpaccio - Wikipédia
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