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Le Palais Pisani à Santo Stefano et Napoléon Bonaparte

L'un des sièges du hall d'entrée du Palais Pisani à Venise
Siège hall Pisani
« Donc, le portier du palais Pisani, ignorait tout à fait le nom de Léopold Robert qui était un étranger pour lui.

Mais il reprend avec intelligence : “Signora, il y a ici plusieurs peintres qui vous renseigneront mieux que moi.”

Et il m'offre de me guider dans cet immense palais.

Nous traversons d'abord une cour ayant une citerne au milieu et à l'entour une galerie ornée de tous les bustes des Pisani ; jeunes femmes au regard coquet et à la mine souriante, guerriers et magistrats hautains et graves ; puis une seconde cour ornée de statues médiocres, formant une grandiose décoration ; enfin un péristyle à colonnes qui donne sur une ruelle aboutissant au grand canal.

La vue sur le Campo et l'église Santo Stefano depuis la terrasse du Palais Pisani
La vue sur le Campo Santo Stefano
C'est par ce passage, tendu d'étoffes précieuses, que Napoléon Ier entra au palais Pisani pour assister à une fête dont Venise parle encore.

Je monte, à gauche, un magnifique escalier où les statues foisonnent.

Quelques-unes ont perdu un bras, d'autres le nez ; les amours qui folâtraient au mur ont leur tête ou leurs ailes brisées.

Toutes ces figures grises ou poudreuses semblent se regarder piteusement entre elles, humiliées de la destruction et du silence qui les entourent.

J'arrive à une galerie suspendue, qui circule autour de l'immense salle de bal où s'assit Napoléon.

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Je considère un moment les fresques mythologiques du plafond ; puis je sonne à une petite porte au bout de la galerie à gauche : “Voilà, me dit le portier, le logement du photographe.”

Et il me quitta aussitôt.

Les Palais du Grand Canal de Venise et l'ile de la Giudecca vus depuis la terrasse du Palais Pisani
Les Palais du Grand Canal de Venise
Une jeune fille accorte, aux grands yeux noirs, vient m'ouvrir.

Je lui explique le but de ma visite relie me répond que son oncle me donnera avec plaisir les renseignements que je désire.

Nous traversons plusieurs grands salons à corniches dorées, dont l'un a été coupé en deux pour faire une cuisine et une salle à manger.

J'entre dans l'atelier du photographe, un beau vieillard, qui me reçoit avec aménité et qui, au nom de Léopold Robert, me répond aussitôt :

“C'est dans l'appartement qu'occupe M. Nerly, un peintre prussien, que Léopold Robert s'est tué ; je vais vous y conduire, nous n'avons qu'un étage à monter.”

La Basilique et le Campanile de Saint-Marc vus depuis la terrasse du Palais Pisani
La Basilique et le Campanile de Saint-Marc
Je le suis ; nous franchissons une seconde galerie, qui circule au-dessus de l'autre, autour de la même salle de bal ; nous trouvons au fond une jolie terrasse à couvert, ornée de fleurs et de rocailles.

Nous passons par une porte à gauche, et sommes introduits auprès de M. Nerly, vrai type allemand, blond, affable et doux.

Peintre d'un talent sérieux et recueilli, M. Nerly habite Venise depuis vingt ans ; il s'y est marié, et est devenu beaucoup plus Italien qu'Allemand ; il me reçoit dans son atelier, la palette à la main, et travaillant à une grande toile.

C'est dans cet atelier que Léopold Robert s'est suicidé.

Les Palais du Grand Canal de Venise et l'ile de la Giudecca vus depuis la terrasse du Palais Pisani
Les Palais du Grand Canal de Venise
On y arrivait alors par un couloir qui aboutit à un autre escalier.

Le frère de Léopold Robert, averti un matin par une vieille femme italienne, qui servait le peintre, que Léopold Robert n'avait point appelé, selon sa coutume, et ne lui répondait point, se précipita dans le couloir, força la porte de l'atelier, et trouva son pauvre frère assis sur une malle, la gorge ouverte.

Le sang ruisselait à flots autour de lui ; il avait eu le soin singulier d'essuyer ses rasoirs et de les remettre dans leur étui.

Il fit un dernier signe à son frère, comme pour lui dire que tout secours était inutile, puis il expira. »
Louise Colet - L'Italie des italiens 1862

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